mardi 29 juin 2010

Vie hauturière dans le Bengale

Les courses sont faites, les voiles sont réparées, Go! On quitte le quai, on prend la mer, mais ce jour-là,c'est du près. Le bateau gîte et l’estomac chavire, l’étrave se cabre, on serre la mâchoire. Dans le carré l’horizon s’est incliné et les réserves d’essence sont crevées. Quelques jours plus tard le sel colle à la peau, et le soleil continue d'endormir . Pas facile de chercher une boite de conserve, pas envie d’allumer la vieille gazinière. C’est une sorte de « coma des mers ». En attendant de revenir à la vie, on décompte le temps et les milles. On réfléchit au passé et à l’avenir, aux amis et à la famille, à Dieu et au travail. Et les journées sont longues.

Puis un jour il fait moins chaud et ca sent moins le gazole, et à force de volonté gémit un embryon de loup de mer. L’obsession de l’arrivée nous quitte, on fait du bateau sa maison et on prend de nouvelles habitudes : le marin ressuscite au terrien. Le matin à l’ombre de la grand voile on regarde la mer en lisant un bouquin parmi la centaine de livre entassée dans la bibliothèque. On cuisine le riz, les pâtes ou le poisson, on fait des crêpes bretonnes, et à l’heure du café on sert le débat du jour. L’après-midi est consacré aux activités telles que la pêche ou les réparations. C’est aussi le moment d’étudier les courants, la météo ou les guides de la prochaine escale. On se dessale chaque jour à l’eau de mer ou de pluie et on fait quelques lessives.

Au coucher du soleil, il est temps de préparer le diner car à 21h00 commence la seconde moitié de la journée organisée en quarts de nuit. Chacun assure deux quarts d’une heure trente, qui se décale de jour en jour. Les équipiers qui ont le premier quart du soir et le dernier quart du matin ne se lèvent qu’une autre fois dans la nuit. Les autres sont réveillés deux fois par le veilleur qui les précède. Certains observent la lune qui se lève ou se couche, d’autres relisent le manuel des constellations à la lumière des étoiles ou rédigent le carnet de bord. Et quelques uns…s’endorment ! « Tiens, il m’a réveillé avec 30 minutes de retard ». Trahi ! Et une nuit à l’horizon pousse un gros champignon lumineux. Celui-là n’est pas vénéneux, c’est la terre, c’est une ville ! Demain la mer nous délivrera.

dimanche 27 juin 2010

La Ligne


8h59 UTC, par 73.12 degrés Est de longitude, nous avons franchi ce jeudi 25 juin l'Equateur.

Latitude zéro. La moitié de notre chère planète. Qu'il y a-t-il derrière La Ligne ? Bientôt la tête à l'envers ?

Le respect des traditions s'impose.

Neptune Frédéric a déjà eu l'honneur de passer cette ligne mythique pour les marins.
C'est donc à lui qu'il revient d'initier les trois têtards du bord.

Couronné et son trident à la main, Neptune fait revivre le rituel établi par nos illustres aînés explorateurs des mers lointaines.

Tandis que la cérémonie avance, Neptune voit ses protégés se montrer dignes des lois de la haute mer.

C'est officiel, Hémisphère Sud, nous voilà ! Nous sommes tous des fils de la mer...

vendredi 25 juin 2010

Shukuriyyaa du fond du coeur !


Encore un départ. Nous faisons ce soir nos adieux aux magnifiques Maldives, perles parmi les perles de l'Indien.

Le rythme a toujours été soutenu car nous avons navigué toutes les nuits d'île en île pour profiter au maximum des journées ensoleillées dans les atolls.

Lafko est de nouveau prêt à prendre la haute mer, Frédéric a changé le hauban, Antoine a recousu la grand voile et une nouvelle pompe de cale est arrivée de France dans les bagages de Florent.

Nous avons désormais 290 milles devant nous pour rejoindre les Chagos, le paradis perdu des marins de l'Indien.

Cette réserve naturelle appartient au Royaume-Uni et la plupart des îles sont inhabitées.
Encore du rêve en perspective.
Nous y passerons 3 ou 4 jours et mettrons ensuite les voiles vers l'Ile Maurice que nous prévoyons d'atteindre vers le 10 juillet.

En traversant l'Equateur, nous nous sommes recalés dans la bonne saison, nous aurons cette fois-ci du vent portant et Lafko devrait avaler les milles à grande vitesse !

A bientôt et n'oubliez pas que vous pouvez nous écrire par satellite !

Des photos, des photos, des photos...

Allez, on vous a mis des photos, ça nous a pris un après-midi entier !

C'est ici : http://picasaweb.google.com/lafkontact

et ici : http://picasaweb.google.com/101090792845173611798/Maldives#

A bientôt,

Florent.

jeudi 24 juin 2010

Les Lafko boys ne pechent jamais de Thon

22heures hier soir, l'excitation est à son comble, nous venons de faire la connaissance de l'équipage et du bateau, un grand Dhoni de 110 pieds. L'ambiance est très bonne, encore une fois un accueil très chaleureux, incroyable, le cuistot est en plus déjà à l'œuvre.
23h30 nous quittons finalement le quai, en effet la lune pleine et haute se pare d'un magnifique halo, c 'est magnifique mais pas du tout propice a la pêche, nous n'en faisons aucun cas étant avec "les meilleurs pêcheurs du monde" Perchés a plus de 12m sur la passerelle du bateau, nous regardons Lafko s'éloigner sans même un regret, nous serons de retour bientôt. Déjà les conversations vont bon train, on nous souhaite de pêcher 10T! Chaque pêcheur prend un Thon (Bonite au début) toutes les 5s a l'aide d'une grande canne de 8m terminée par un hameçon.
Ce spectacle de 20 pêcheurs et d'un banc de thon surexcite s'entremêlant promet d'être un très grand moment d'émotion, mais pour l'heure "we go for small fish". En effet la première étape est de pêcher beaucoup de petit poissons a l'intérieur de l'atoll, puis d'en sortir et, de les relâcher près d'un banc de thons. C'est alors que le carnage commence, sans même d'appât au bout des cannes.

Mais il est maintenant 1 heure du matin et nous nous offrons une bonne sieste, Antoine héritant mais de la cabine du second.
4hres, quelques éclats de voix, nous réveillent, la lune est couchée, la pêche aux petits poissons commence, 3 projecteurs de 2000W attirent les poissons. Déjà nous sommes perplexes, un premier coup de filet ne ramène seulement que quelques kilos de poissons.
6 heures, déjà le soleil se lève.. Trop tôt.. Le rêve se brise... La quantité de petits poissons n'est pas suffisante pour s'attaquer au gros, la désillusion est grande, très grande. Mais nous avons encore eu un très beau moment d'échange avec les Maldiviens. Peut-être même nous ont-ils emmenés sachant que les conditions n'étaient pas parfaites tellement leur sens de l'accueil est développé.


8 heures: Une page se tourne, nous repartons vers le Sud.. Le Sud? Oui le vrai, l'hémisphère Sud, 11mn dans le 180. Nous y serons dans avant midi, et j'ai le privilège de concocter aux 3 "têtards" du bord une petite cérémonie...
Frédéric

mercredi 23 juin 2010

Lafko hausse le thon

Ici, la surprise vient des rencontres. Le paysage est toujours magnifique, l'eau est toujours chaude, la mer toujours cristalline, les poissons toujours multicolores, les plages toujours blanches, les iles toujours desertes ? Oui mais non, nous venons de mouiller dans un lagon au milieu de 3 iles desertes quand 2 jeunes en bateau a moteur viennent nous voir, ils nous proposent de nous faire visiter les iles. Apres une degustation de noix de cocos fraichement cueuillies et un poussin decouvert, nous finissons la discussion sur la peche. On imagine aisement que sur un archipel compose de milliers d'iles la peche est la principale source de vie... Ce soir 10pm, les Lafko boys menent l' enquete, ils embarquent pour un jour sur un bateau de peche au thon, au milieu de 22 experts... La nuit promet d'etre agitee, bilan demain !

Frederic

dimanche 20 juin 2010

La voile un sport mécanique???

Bien sûr ! Démonstration en une traversée.

Nous partons donc, pour 1260mn, (2331km), à un moment où le vent a toutes les chances d’être contraire, ce fut le cas, et nous avons parcouru en réalité plus de 2800mn, à la vitesse moyenne de 5.2nds.
Ajoutez à cette distance une mer forte, une houle croisée et un vent réel sur la première semaine fixé à 23nds puis après une courte accalmie de 17nds avec des grains à …(30nds et plus).
De plus, votre allure est le près (voile bordées à fond, nous avançons contre le vent en tirant des bords (de 100° bord sur bord avec Lafko sur mer praticable, mais de … 140° avec les vagues et le courant contre…les marins ou mathématiciens pourront se faire une idée très claire de notre situation !)
Le près disais-je, l’allure ou le bateau est gité à environ 40°, pendant 3 semaines le bateau devient un élevage de Dahus !
Le bateau gité oui ! Mais pas seulement, il cavale, il tangue, il roule, il pilonne, il fait des lacets (les 6 mouvements d’un bateau : 3 rotations, 3 translations, à vous de les placer sur ou autour de chaque axe !
Tout ces mouvements donc fatiguent le bateau (je ne parle pas de l’équipage…), il s’ensuit un vieillissement accéléré du bateau, voyez plutôt :
3eme jour:
  • voie d'eau, d'eau? non de gasoil 10l, c'est la jauge qui n'est pas étanche
4eme jour :
  • la console centrale du carré (salon intérieur du bateau) se déboite, il n’y a plus de « main courante » pour se tenir dans le carré
5eme jour:
  • voie d'eau confirmée 30L, ce n'est pas que du gasoil, un doux mélange avec de l’eau de mer (stop pour étanchéifier tout ce que l'on peut, câblot (passage de chaine à l'avant), passage des câbles électriques en pied de mat, puits de bout de dérive…)
  • La dérive a du jeu, elle tape violement dans certaines conditions de mer (réglages)
  • Bateau non manœuvrant !! Démontage du système de barre, c’est en fait la liaison entre l’axe central et les deux safrans qui est desserré, heureusement l’épisode s’est passé au petit matin et le bateau tient la cape sans les safrans), il faut savoir que Lafko est un Bi-Safran, ce qui lui permet de se poser sans béquille sur le sable des Maldives.. mais entraine une mécanique un peu compliquée et peu fiable du système de barre.
6eme jour:
  • la poulie inférieure de la bastaque tribord (câble (hauban) qui retient le mat vers l'arrière) se casse dans une vague
  • Voie d’eau vraiment inquiétante, 300l écopés avec toujours un zeste de gasoil, on se déroute ou pas ? Quel est le port le plus proche ?
7eme jour :
  • l’éolienne (notre principale source d’énergie) vient de nous quitter, son tube de fixation cassé net, il y avait du vent (24nds) mais pas tempête, on se voit déjà barrer pendant 2 semaines jour et nuit… finalement après une journée « barre » le pilote automatique reprendra ses droits et restera fonctionnel la plupart du temps, Lafko est équipé d’un bon pilote automatique, c’est en fait un vérin, monté sur le système de barre, on lui donne un cap à suivre et il dirige les safrans de sorte à suivre ce cap, il arrive qu’il puisse « décrocher » (perte de la direction), c’est dû à une mauvaise configuration de voile ou une vague scélérate !
  • Toujours un bon 300l à écoper… le bateau est passé au peigne fin pour trouver une voie d’eau autre que les paquets de mer qui recouvrent sans cesse le pont
  • Rupture du tuyau de mise en pression de la cuisinière (la cuisinière fonctionne au Kérosène préchauffé et sous pression)
8eme jour :
  • La pompe de cale a rendu l’âme, on terminera la traversée en écopant au seau…
12eme jour :
  • la poulie supérieure de la bastaque tribord se casse
14eme jour:
  • Rupture de la poulie inférieure de la bastaque bâbord
15eme jour :
  • Perte coup sur coup de lattes de grand voile n°2 et 3 (il y en a 5 en tout reparties sur toute la hauteur), le système pour éviter qu’elles se desserrent n’est pas en place…
16eme jour :
  • inspection du moteur : bon pour le service ! (celui-là est fidèle, il faut en prendre grand soin !)
  • Changement de place des bastaques, qui raguent contre la GV
17eme jour :
  • Chariot de la têtière de grand voile cassé (le chariot, comme le coulisseau permet de hisser et affaler la GV en la maintenant solidaire du mat, il y a une alternance de coulisseaux et de chariots, le chariot, plus robuste, assure la liaison au niveau des lattes)
  • GV déchirée au niveau de la 4eme latte (30cm)
18eme :
  • Rupture du chariot de têtière de GV (pas au même endroit ! ainsi que 3 coulisseaux… (Réparation mais il manque un chariot au niveau de la première latte de GV)
  • Chute de la GV déchirée sur 20cm au niveau de la 3eme latte (la chute est la partie arrière de la voile)
19eme jour :
  • bas hauban arrière tribord, (câble inox de 8mm constitué de 16 torons) 3 torons sont cassés (étayage avec des haubans textiles)
22eme et dernier jour de mer :
  • Bas hauban arrière tribord, 7 torons de cassés, il était temps d’arriver…Tjrs 300L quotidien au fond de la cale, et à ce jour pas d’explication rationnelle, même si la liste des entrées d’eau secondaires s’allonge… à suivre (à noter que sur mer/vent calmes nous ne prenons pas l’eau ;), autre évolution, c’est le kérosène qui se répandait à fond de cale, et non plus le Gasoil.
La work list s’allonge…l’escale sera encore studieuse !

Une Journee sur Lafko, extrait du journal de bord

Mercredi 9 Juin, 20ème jour de mer.

3h52
La soirée stroboscope se termine gentiment, la discothèque commence à se vider et le DJ éteint les jeux de lumière, c’était bien sympa on reviendra !
5h30
03N42.215
76E12.947 7nds/202°
Le temps d’écrire « on reviendra » et hop, c’était revenu ! Un nouveau grain, c’était aussi soirée mousse et T-shirt mouillé, la totale (je suis complètement trempé, merci, encore plus violent que le premier, GV et génois choqués légèrement on marchait à 8nds, sans à-coups pour le bateau (la dérive vibre), pointe à 8,9nds GPS, nouveau record.
On descend donc très vite dans le sud et on gagne dans l’Est, on assure le minimum, mais la distance pour Malé ne diminue pas.
Dist : 163mn/282°, en moyenne on est à 80° de la route.
5h50
Fred peut dormir, il a fait un sacré rab, mais il voulait être là pour le record. Et puis les soirées de la boite « Le Bengale » valent le coup de s’y attarder un peu..
Au fait, j’en profite pour signaler à l’équipage que le reste du gâteau au chocolat fait désormais partie de la pharmacie de bord, à n’utiliser qu’en cas de sérieuse nécessité et avec ordonnance de l’infirmière du bord.
Mais où est passé l’infirmière du bord ???
7h22
Moteur, 3nds/270°
3N29.491
76E10.200
Dist : 163mn/285°
11h30 :
Voile, 2ris, génois 3 marques,
03N29.491
75E57.781
Dist : 152mn/287°
18h00
03N42.774
75E39.374
Il s’est passé des choses cet après-midi…
Après avoir bien avancé, (10mn en 2h30) sur la route, GV haute génois, à l’approche d’un grain nous avons « préparé » le bateau : 2ris/2marques, gel douche.
Nous avons viré Sud dans le grain, c’est à ce moment là que ce que l’on espérait plus arriva…
A 7nds dans le 230°, un poisson faisait du surf avec notre ligne, miracle !
Fou de joie, l’équipage avait peine à le croire, Tonio, en bon pêcheur avait flairé la bête et remonte en 2/2 la ligne, pour nous offrir ce met délicieux.
« C’est un requin » « un thon » « un maquereau géant »
« un marlin » « mais non »
«mais si c’est un marlin » « ce n’est pas comme ça »

C’est un Thazar !!

Dist 130mn/284° vit3.2nds/320°
Le temps nous oblige à de nombreuses manœuvres… ris1, ris2, pas de ris, génois roulé, déroulé…ok moteur
Moteur :490,7hres, 1700tr/min, 3,6nds/260°
Tout le monde salive à l’idée de déguster le Thazar, Franck à déjà 5 idées de recettes pour ce soir et Tonio a déjà découpé les filets !!
19h40: Encore un gros grain…
23h30 : La soirée fut marquée par un somptueux festin, merci Franck :

Menu El Thazar del Bengale

Mercredi 9 Juin 2010, on Lafko

Participants volontaires ou non : Antoine, Florent, Fred, Franck et… Bal (Thazar ;)

Entrées :
* Marguerite de Carpaccio à la Tahitienne
Lamelles effilées de Thazar cru sous sauce d’huile d’olive épicée
* Emiette à la Malaisienne :
Miettes de Thazar cuit servies sur toast et mayonnaise Malaisiens
* Sushis Indo-Japonais :
Sushis emmitouflés dans leur cocon de riz parfumé creamy chicken
* Sashimis traditionnels de Tokyo
Original sashimis en double sauce soja
* Nids de Thazar Thaïlandais :
Beignets de Thazar en oignons
* Nectar de Thazar à la Sicilienne
Bas filets de Thazar brumisés au citron
Plat :
* Filet Napolitains dans son jardin de verdure
Filet dorsaux panés en petits pois.
Dessert et vin :
* Ronde d’ananas servis en Jus
Côtes du Rhône 2008 Blanc Bouchard

samedi 19 juin 2010

"Pour voir si c'était vrai"

"Mais pour que le bateau et l’homme ne fassent qu’un, totalement, il fallut, je pense, la Mousson de l’océan Indien où nous étions allés nous égarer candidement, “pour voir si c’était vrai”, un peu comme pour jouer.


Or, “c’était vrai”: la Mousson ne jouait pas. Nous avions alors remonté ensemble cet enfer de vents contraires pour pouvoir en sortir, tirant bord après bord, inlassablement, pendant six semaines."

C'est ainsi que commence "Vagabond des Mers du Sud", premier livre de Bernard Moitessier que nous vous invitons à lire. En solitaire, sur un bateau en bois de 9 mètres, et sans GPS ni fichiers météo, c'est bien entendu une aventure toute différente de la nôtre !

Sur Lafko, depuis Phuket en Thaïlande, nous nous entendions souvent dire "You're pretty late in the season".
Le registre de départ du port n'indiquait que des voiliers en partance pour la Malaisie, nous avions droit à des sourires perplexes lorsque nous indiquions notre destination en sens inverse.

A Port Blair, confortablement installés dans le profond canapé du Harbour Master qui nous offrit le thé, c'était : "The sea is rough now, the swell is well set, it could be quite difficult to reach Sri Lanka or Maldives". Le chef du port nous racontait ses souvenirs d'un japonais qui avait accompli la traversée contre la mousson quelques années auparavant. Il avait choisi de faire route plein Sud et de couper l'Equateur pour attraper les Alysées soufflants vers l'Ouest. Un très long voyage...

Quelques jours avant le départ, les journaux annonçaient que la mousson était bel et bien arrivée aux Andaman et que le cyclone Laila rodait au large des côtes orientales de l'Inde.

Le 21 mai dans l'après-midi, "the last yacht in the season" quitta donc Port Blair en direction de Malé, la capitale des Maldives. Un vent d'Ouest nous permettait de descendre rapidement la côte Est des Andamans et nous commençions donc à contourner les îles à la nuit tombée.

1262 milles nautiques en ligne droite nous attendaient, soit 10 jours de mer dans des conditions favorables à 5 noeuds de moyenne. Officiellement appelé "mille marin", le mille nautique correspond à 1852 mètres en moyenne... Tout est ici : http://fr.wikipedia.org/wiki/Mille_marin . C'est l'unité de mesure parfaite du globe-trotter ! Quand au noeud, c'est l'unité pour mesurer la vitesse d'un voilier, un noeud de vitesse correspondant à un mille parcouru en une heure.

Pour cette traversée pendant laquelle il faut veiller nuit et jour sur Lafko, nous nous sommes organisés en quarts de 21h à 9h du matin. Chacun d'entre nous est responsable de 2 quarts d'1h30. Ainsi par exemple, à la fin du diner, Antoine prend le quart de 21h à 22h30, puis vient le tour de Frédéric de 22h30 à minuit, Franck prend le relais de minuit à 1h30 et Florent termine de 1h30 à 3h. C'est ensuite Antoine qui reprend après 4h30 de sommeil. Et nous décalons tous les jours.
En journée, nous sommes tous sur le pont à partir de 10h, nous effectuons donc ensemble les manoeuvres.

Des manoeuvres, il y en a eu ! Il faut guetter chaque nuage et évaluer ce qu'il nous réserve : rien ? du vent ? de la pluie ? des éclairs ? Alors, on réduit la voilure ou on la maintient, on pique dans la tempête pour accélérer ou on l'évite pour préserver le bateau et le contenu de la casserole qui bout sur le feu...

La nuit, seul sur le pont, c'est différent. Sans lune, on ne voit le nuage qu'au dernier moment. On le sent avant de le voir, le vent change de direction, parfois de 40° ou 50°. On tente de maintenir le cap mais parfois le bateau part vers le Pakistan ou l'Australie ! On perd des milles sur la route directe, on recule !
La pluie nous aveugle, on ne voit plus voiles ni girouette, c'est "la nuit dans la nuit" comme le dira Antoine.

Puis vient le petit matin, on somnole, tranquillement réchauffé par le soleil qui se lève, un arc-en-ciel se montre à l'horizon et des dauphins jouent dans l'étrave. Magique !

Les jours passent, les avaries surviennent (Frédéric vous racontera ça bientôt), il faut réparer, parfois envisager de rejoindre un port de la côte indienne ou sri lankaise (Pondicheri, ça vous dit ? Aïe, on n'a plus de visa indien... Trincomalee ? La rébellion tamoule est-elle vraiment terminée ?) Nous continuons vers les Maldives, c'est décidé, le bateau tiendra...

Au bout d'une semaine, nous approchons du Sri Lanka. Nous commençons à mieux maitriser les systèmes météo. Nous récupérons des cartes prévisionnelles par téléphone satellite, détectons les zones de vents favorables et essayons de les rejoindre à temps pour en profiter. Les Pilots Charts US nous servent également, ces documents compilent 100 ans de relevés sur les vents et les courants dans toutes les zones du monde !
Frédéric y remarque un courant favorable à 130 milles à l'Est de la côte du Sri Lanka, nous nous y rendons et plaçons Lafko sur un tapis roulant ! Pendant quelques jours, nous avançons rapidement en direction du Sud, la pleine Lune illumine nos nuits et des poissons volants un peu déroutés atterrissent sur le pont ! Avec des vitesses de pointe de 60km/h, nous espérons ne pas prendre en pleine figure ces bolides aveugles ! Nous en trouvons jusqu'à 5 ou 6 sur le pont chaque matin. Un d'entre eux a même eu la bonne idée de tomber directement dans l'évier en rentrant par un hublot ! Tant qu'ils ne nous rejoignent pas dans nos couchettes...

Nous apercevons au loin des bateaux de pêche. Leurs lumières se distinguent facilement la nuit et il faut veiller à éviter les collisions, idem pour les cargos qui remontent vers Madras. Ils nous couperaient en deux sans s'en apercevoir !

Les pêcheurs sri lankais n'ont pas très bonne réputation dans le monde des voyageurs en voiliers. Avant de partir, nous avions tous lu "Unpleasant Encounters in Indian Ocean", témoignage d'un équipage français, qui indiquait avoir été abordé violemment à plusieurs reprises dans cette zone...

Nous sommes donc sur nos gardes. En fin de nuit, Franck observe ce qui semble être un bateau de pêche. Une fois à gauche, une fois à droite, il semble attendre que nous croisions sa route... Il se rapproche. Le soleil se lève, Franck nous réveille. Le bateau suspect est droit devant nous. A 300 mètres, puis 200 mètres... Il fait route pour nous rencontrer ! Nous démarrons discrètement le moteur pour pouvoir nous dégager si nécessaire. Le bateau se rapproche, droit sur nous. Une puissante étrave en bois, à 3 mètres au dessus de l'eau...
Nous choisissons de ne pas dévier notre route pour ne pas montrer un quelconque signe d'inquiétude. Le bateau de pêche passe à 20 mètres sur notre gauche et tourne à 90° pour venir vers nous. Il s'arrête à 10 mètres de Lafko. Nous comptons une dizaine d'hommes à bord qui nous montrent du poisson.

Que veulent-ils vraiment ? Nous ne le saurons pas. Peut-être de la simple curiosité, c'est vrai que nous sommes loin de la route "normale" empruntée par les voiliers et pas à la bonne saison. Nous sommes 4 à bord et un drapeau français bien visible...

Je leur adresse un "Hello" suivi d'un "Bye bye" bien distinct et Frédéric embraye le moteur pour donner un peu plus de vitesse à Lafko toujours sur le même cap. Le bateau de pêche s'éloigne alors en direction de l'Inde.

1h plus tard, pendant mon quart, un autre bateau viendra à notre rencontre. J'étais un peu assoupi ( ça arrive ! ) et je ne l'ai vu qu'au dernier moment. Il fait jour, les pêcheurs ont de grands sourires et semblent amusés de m'avoir réveillé. Je leur adresse un "au revoir" de la main et ils reprennent leur route.

Pendant les jours qui suivent, nous apercevons au loin des bateaux qui tentent assurément de venir couper notre route. Contre le vent et les vagues, ils sont bien ballotés et avancent moins vite que Lafko. C'est un petit jeu de parier si ils réussiront à venir à notre rencontre. Nous les voyons souvent abandonner à la jumelle. Une seule autre rencontre aura lieu, nous comprenons juste un "Where are you going ?" et répondons que nous allons en France :)

Début juin, nous coupons le rail des cargos qui circulent entre l'Asie et l'Europe. C'est une zone bien définie au Sud du Sri Lanka où les cargos doivent obligatoirement passer. Et oui, comme une autoroute !
Nous les comptons par dizaines ! Des porte-containers, des chimiquiers, des vraquiers, des super-tankers... Toutes les marchandises du monde défilent sous nos yeux. A partir du moment où nous les apercevons, ils mettent 9 minutes à couper notre route, une demi-heure à traverser l'horizon... Lancés à pleine vitesse et pesant des tonnes, ils sont très peu manoeuvrants sur de courtes distances. Nous sommes bien contents de couper ce rail en plein jour et perpendiculairement. C'est à celui qui verra le premier les cargos ! Un vert à droite, un rouge à gauche, un bleu droit devant ! "China Shipping Line", "MSC", "CMA CGM"...

Ca y est, le Sri Lanka est définitivement derrière nous. Nous avons parcouru les deux tiers de la route directe et le fichier météo prévoit des vents favorables pour rejoindre les Maldives à 140 milles dans l'Ouest. Si nous parvenons à rejoindre cette zone à temps, il nous resterait 5 jours de mer !

Mais nous n'y parviendrons pas ! Trop tard, les vents ont tourné et soufflent de nouveau exactement dans la direction opposée à celle des Maldives ! Chouette, encore du louvoyage ! (on vous explique bientôt ce qui se cache derrière ce mot étrange).

Nous sommes maintenant dans la bien connue ITCZ : Inter Tropical Convergence Zone, autrement dit, ce qu'on appelle le Pot au Noir dans l'Atlantique.
Dans cette zone proche de l'Equateur (nous sommes descendus jusqu'à 2°38 N de latitude), les conditions météo sont tout simplement imprévisibles. A bord, nous les définissons plutôt comme "prévisiblement variables" ce qui donne : 30 minutes sans vent, 20 minutes sous un orage qui nous emmène au Sud, 20 minutes sous une grosse averse sans vent (on sort les gel-douche) et re-20 minutes sous un orage qui nous emmène vers le Nord.

Ajoutez la nuit, les éclairs qui déchirent l'horizon, les manoeuvres nécessaires pour maintenir les meilleurs caps et vitesses possibles vers les Maldives et vous comprendrez que nous sommes bien occupés !

Certains jours, nous n'avançons presque pas sur la route directe tant les conditions sont défavorables, pas très bon pour le moral ! Nous passons alors en mode "régate", si il faut changer les voiles ou virer de bord tous les quarts d'heure, nous le ferons ! Les winches tournent, les poulies grincent, nous réduisons ou augmentons la voilure chaque fois que nécessaire.

En partant, nous avions estimé avoir 17 jours d'eau douce à bord en tablant sur une consommation de 4 litres par jour et par personne. Nous savions donc qu'il faudrait nous restreindre et peut-être finir le voyage en ne buvant que des jus de fruits ou du lait :)
Les jours passent et nous avons toujours de l'eau... Mystère...

Nous commençons enfin à nous rapprocher de la destination. 300 milles restants, 200 milles, 100 milles, nous célébrons avec joie le passage de ces distances toutes symboliques.

Puis vint le thazard ! En deux semaines, notre ligne de pêche n'avait accroché qu'un thon qui avait réussi à nous échapper en bondissant hors de l'eau pendant que nous tentions de le remonter à bord. Nous avions testé tous les types d'hameçons et de leurres en espérant améliorer un peu nos repas avec du poisson frais.
Un midi alors que nous venions de virer de bord pour échapper à un grain particulièrement violent, Antoine, finissant son traditionnel shampoing, s'écrit : "Un poisson, un poisson sur la ligne !"
Nous nous retournons pour apercevoir la bête. Très effilée, avec de forts ailerons, elle surfe dans le sillage de Lafko lancé à 8 noeuds dans la sortie du grain.

"C'est un petit requin !". "Non, un maquereau géant". D'un magnifique bleu, nous n'avions jamais vu ce poisson. Antoine continue à le remonter à bord et le jette dans le cockpit dans un dernier effort.
Notre capture prestement assommé à coups de manivelle de winch, nous consultons les livres de pêche présents à bord.
Un thazard ! 1m20 pour 18 kilos. Prédateur des grands fonds, pourvu d'une puissante machoire, sa chair est délicieuse.
Rapidement découpé, il finira dans nos assiettes cuisiné de multiples façons. Franck vous racontera cela bientôt !

Les Maldives se rapprochent à grande vitesse, le vent se montre plus docile, les dauphins nous montrent le chemin et nous finissons nos trois semaines de traversée le 11 juin vers 14h.

Un petit jeu pour finir : Combien comptez-vous de dauphins sur la vidéo ?



A bientôt !

mercredi 16 juin 2010

22 jours de mer, et des grains, et des grains...

Lafko a traversé le Golfe du Bengale, la mousson et le "pot-au-noir indien", ses équipiers ont eu du grain à moudre!

Ca commence comme ça: "les gars, un grain dans 5 mn !" Parés ?

A l'horizon, un nuage gris fait tomber un rideau noir de pluie. Une vague de froid nous saisit. La mer blanchit et bouillonne au contact de la pluie qui claque. Quelques minutes plus tard les voiles fasseyent bruyamment et Lafko accentue sa gîte. De nuit une sorte de deuxième nuit tombe. Le spectacle peut commencer.

Le pilote automatique ne répond plus et un valeureux équipier prend la barre. La visibilité se réduit à quelques dizaines de mètres tandis que le vent forcit et bascule, ce qui fera dire à certains équipiers "mais je comprends plus rien à la voile !". Lafko est en mode survie : atteindre la fin du grain et ne rien casser. La surface de la grand-voile est réduite de deux ou trois ris et le génois roulé à moitié ou aux trois-quarts. Pour les autres équipiers c'est une autre affaire. Passée la tension du premier grain, ces seaux d'eau douce jetés sur Lafko sont une aubaine dans cet univers ultra-salé. Tout y passe: on se douche, on fait la lessive, on brosse le bateau. On fait aussi des provisions à la chaine. L'un en bout de bôme récupère la pluie qui s'abat sur la grand voile, un autre dans le cockpit embouteille et embouchonne . Erreur de process, on a dû rappeler quelques bouteilles qui avaient un goût de shampoing...

10 ou 20 minutes plus tard le déluge devient crachin, les nuages s'éclaircissent et le vent tombe puis reprend son régime normal.

"Hé les gars, remontez! je crois qu'il y en a un deuxième qui arrive."

Toujours un équipier à la barre, toujours la pluie et le vent. Cette fois tout le monde est déjà rincé, le reste de l'équipage est balloté dans le carré en attendant l'accalmie.

samedi 12 juin 2010

Maldives, nous voila !

Jeudi soir, peu apres le coucher du soleil, une quarantaine de dauphins nous montrent le chemin et des lueurs apparaissent sur l'horizon... Les Maldives ! Il nous reste une cinquantaine de milles nautiques a parcourir et nous y sommes.

Lafko comprend le message et accelere dans la nuit noire. Le lendemain vers 10h, nous apercevons les premiers contours de Male, la capitale, quelle joie apres 21 jours de mer.

Nous y voila donc ! Plus de details bientot sur cette epique traversee contre la mousson.

A bientot,
 
La charte du bord Liens Météo Livre d'or Administration