samedi 8 janvier 2011

La pêche à bord de Lafko


Sous les alizés, le sport du bord c'est... la pêche! Idéal pour faire changer au cuisinier du jour tous ses menus au dernier moment!
La pêche hauturière offre au bout de la ligne des spécimens bien plus gros qu'en chasse sous-marine côtière. Et les poissons remontés sont rarement empoisonnés. Pour Michèle Meffre (auteur du meilleur bouquin de cuisine en mer connu!), un poisson empoisonné se reconnait car il ne raidit pas en mourant et a le foie piquant lorsque l'on pose la langue dessus.

Les poissons les plus souvent péchés en mer sont donc de grands poissons, entre 3 et 15kg. Ils ont pour nom daurades coryphènes, thazards, bonites, thons et maquereaux espagnols. Plus exceptionnels, on rencontre aussi au bout de l'hameçon requins et barracudas. Espadons voiliers et marlins font aussi des touches, mais... sans équipement approprié, la partie s'arrête généralement aussi sec avec une ligne cassée. A bord de Lafko, une attaque en règle par un troupeau de phoques est aussi venue emporter nos 3 lignes au large de la Namibie...!

La confection des lignes donne toujours lieu à des discussions interminables et autant d'avis différents qu'il y a de bières sur terre, de variétés de fromages en France ou de poissons dans l'océan : ligne longue ou courte? unique ou plusieurs hameçons? montage en traine ou sur lancer? pêche au leurre ou au vif? quelle vitesse optimale? et quel lestage, quelle taille pour les hameçons, quelle forme et quelle couleur pour les leurres? Et encore, quelle taille de fil, quelle distance entre poids et leurre, quel taux d'ensoleillement et d'humidité dans l'eau (!), etc...

Après quelques mois d'expérience et beaucoup de discussions de pontons, voici ce qui nous semble le mieux fonctionner. Le fil doit être solide (hélas, combien de lignes cassées...) mais sans nœuds ou déformations importantes - qui sont bruyants dans l'eau - . Plus les leurres seront brillants, flashys et souples, avec strass, paillettes et froufrous, plus ils plairont aux poissons. Idem pour les hameçons, les Damien et Moitessier conseillent même de les lustrer pour les rendre le plus brillants possibles et donc attractifs.

Ensuite il faut savoir ce que l'on recherche :
- Pour les bonites et autres thonidés, la pêche se fait à l'aide de leurres légers et en surface. L'idéal est de ne pas lester la ligne pour que le leurre, un "squid" (un calamar en plastique de couleur vive et brillant avec un unique hameçon dans le sillage) se tortille tout juste à la surface. On préfera une ligne courte (environ 15m).
- Pour les autres poissons (requins, thazards, daurades coryphènes), prévoir une ligne plus longue (de l'ordre de 20 à 40m) et un lestage de sorte à ce que le leurre (idéalement avec plusieurs hameçons) soit "entre 2 eaux", disons à 1 à 2 m sous l'eau.

La pêche au vif ne se pratique pas beaucoup hors de la pêche sportive au gros. Des morceaux restants en appât ne tentent pas les poissons car le goût de la chair est immédiatement délavé par l'eau. Et la pêche au leurre vivant est difficile à concilier avec les impératifs de la croisière hauturière (on ne passe pas son temps à faire des passes au dessus des hauts-fonds à moins d'avoir beaucoup de temps devant soi!).

Attention à avoir un système d'amortissement sur la ligne. Il a un intérêt double : il permet de rendre visible les touches à l'équipage surbooké à l'apéro d'une part, et d'autre part évite les à-coups sur la ligne lorsqu'un gros bébé a mordu. Il y a 2 manières de le réaliser : pour les traines simples, nous utilisons des élastiques de fusils de chasse sous-marins en tension sur la ligne. Pour le lancer, il suffit de laisser "du gras" sur le moulinet et de ne pas trop serrer le frein. Voir le moulinet se dévider est alors synonyme de bon déjeuners! Une clochette (que nous n'avons pas sur Lafko) serait à ce titre bien utile!

Pour nous la meilleure solution consiste à choisir son type de montage en fonction de la vitesse du bateau. Le fait d'être au moteur ou à la voile n'a pas d'incidence. A très petites vitesses (2-4 noeuds), on pêche le maquereau à la mitraillette au large de Saint Malo. Entre 4 et 6,5 noeuds on est plutôt à pêcher à la surface depuis le lancer, et ensuite pour des vitesses au delà de 5,5 noeuds on passe sur des traines avec du "lourd".
Sinon, quelle que soir la vitesse - à partir de 2 noeuds - un leurre rigide articulé lesté très efficace (le "trembler") pourchasse aussi Lafko à longueur de milles. Une daurade coryphène est venue l'attaquer hier (pour finalement nous échapper au moment de la remonter à bord, hélas), et il en porte fièrement la trace comme un soldat une trace de blessure du front.

Tout l'art de la pêche consiste ensuite à bien ferrer l'animal d'un coup de ligne ferme et majestueux. Une hésitation, et le déjeuner repart à l'eau... Le barracuda ne lutte pas, il abandonne dès qu'il est pris. Le thazard se débat mollement. Les bonites tentent par tous les moyens de se décrocher mais leur poids plus léger fait qu'elles sont plus faciles à remonter que le maquereau espagnol ou l'espadon qui eux, font de grands bonds spectaculaires au bout de la ligne. Mais le plus magnifique reste la daurade coryphène ou mahimahi. Au bout de la ligne, elle se pare d'un étonnant bleu fluo somptueux. Remontée à bord, elle se débat peu mais se pare successivement d'or étincelant puis de vert avant de laisser place à un à un blanc argenté pailleté de points bleus foncés.

Enfin sur les bons conseils de Scolamanzi dont le frigo est plein, il faut varier les plaisirs en visant plusieurs profondeurs, longueurs et types de leurres : 1 ligne = 1 poisson, alors que 3 lignes = 3 poissons! Bon... ça reste la théorie! Dans la "vraie vie", sur Lafko nous avons une touche tous les jours proches des cotes - et tous les 3 jours en haute mer, et un vrai succès transformé... disons une à 2 fois par semaine, ce qui, dans l'Atlantique Sud qui n'est pas particulièrement réputé pour la pêche, n'est finalement pas si mal...!

A vos trucs et astuces maintenant pour améliorer l'ordinaire du bord et agrémenter les dernières bouteilles de vin Sud-Af ou Brésilien!

7 commentaires:

Jean-gabriel a dit…

Vraiment super !.. et pour la baleine ? ;-)

Marie S a dit…

Génial! Et quel est le tableau de pêche de Lafko?

Anonyme a dit…

Merci Guillaume pour ce bel article.
Jean-Christophe

Labédie-Simonnot a dit…

Très technique et passionnant : et les recettes ?
CM

Tonio a dit…

Xcellent. Ca me donne envie de ressortir le couteau de poissonnier pour en vider un.

Julien a dit…

Merci guillaume pour ce documentaire passionnant sur la peche au large.

Je suis surpris que les eaux hauturières ne soient pas plus poissonneuses, est-ce une consequence de la surpeche ?

Enfin bonne années a tous, bonne peches et bonne grillades...

Guillaume a dit…

Merci pour tes voeux! A titre perso, je ne pense pas que ce constat soit lié à la surpêche. Il y a des zones qui sont connues pour être poissonneuses : c'est généralement le cas à proximité des côtes où les poissons se trouvent au sein de chaînes alimentaires complexes, ou bien dans des zones "d'upwelling" - des endroits où les courants marins font que c'est de l'eau provenant du fond des océans qui remonte à la surface, chargée de nutriments et donc de plancton en arrivant à proximité de la surface -.
En pleine mer, on ne rencontre généralement pas de telles zones (en tout cas pas en Atlantique Sud). De la même manière, on ne rencontrera quasiment plus de dauphins ni d'oiseaux à plus de 200 nautiques de la côte...
Prochain article sur le best-of des recettes? Damien, Franck??

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